Ils étudient dans nos écoles. Ils jouent au ballon dans nos parcs. Ils remplissent nos supermarchés, nos cuisines, nos ateliers, nos hôpitaux. Ils sont souvent là depuis dix ans, quinze ans, parfois depuis toujours. Et pourtant, pour l’État italien, ils ne sont pas encore “citoyens”.
Le 24 mai prochain à Aoste, une rencontre publique portera sur un référendum décisif : réduire de dix à cinq ans le délai de résidence pour pouvoir demander la citoyenneté italienne. Une réforme modeste sur le papier, mais révolutionnaire dans les faits. Un pas simple, humain, urgent. Et, disons-le sans détour : un pas nécessaire.
Dix ans, c’est trop. Et tout le monde le sait.
Aujourd’hui, en Italie, un étranger doit attendre dix ans de résidence légale avant même de pouvoir déposer sa demande de citoyenneté. Puis, affronter un parcours kafkaïen : paperasse, lenteurs, frais, refus sans explication. 14 ou 15 ans en tout, parfois davantage. C’est un système qui n’inclut pas — il exclut. Qui ne protège pas — il humilie. Qui ne reconnaît pas — il contrôle.
Et pourtant, ces personnes vivent ici. Elles parlent l’italien (et parfois le valdôtain). Elles cotisent, élèvent leurs enfants, respectent les lois. Pourquoi les tenir si longtemps à distance ? Pourquoi leur refuser ce document qui ne fait que reconnaître une réalité déjà vivante ?
Il ne s’agit pas d’ouvrir les vannes — mais de débloquer les cœurs
Le référendum ne propose pas un “cadeau”. Il ne supprime aucun des critères actuels : il faut rester en règle, parler la langue, prouver son intégration. Il ne modifie pas les garanties ni les contrôles. Il ne fait qu’avancer le début du parcours. Le rendre plus humain. Plus cohérent. Plus européen.
Dans de nombreux pays d’Europe, cinq ans suffisent. Pourquoi l’Italie devrait-elle continuer à jouer la carte de la suspicion, du soupçon, du “pas encore prêt” ? À quoi bon retarder l’évidence ? Il y a là une injustice douce mais persistante, une lente violence administrative. Et il est temps d’y mettre fin.
La citoyenneté, ce n’est pas un privilège. C’est un lien.
Ce débat va bien au-delà d’une question de délais. Il touche à notre conception de la communauté. Voulons-nous une Italie fermée, obsédée par l’identité de papier ? Ou une Italie ouverte, forte de ses diversités, sûre d’elle-même parce qu’elle sait inclure ?
À Aoste, où les identités se croisent depuis des siècles, où l’on parle le patois, le français, l’italien et parfois le wolof ou le tamoul, cette question est cruciale. Elle nous concerne tous. Elle touche à ce que nous voulons transmettre comme société.
Le 24 mai, venons écouter. Et surtout, choisissons le camp de la justice.
La rencontre du 24 mai, organisée par l’Arci, les Acli et l’Anpi de la Vallée d’Aoste, ne sera pas seulement un débat technique. Ce sera un moment d’écoute, de témoignages, d’engagement. L’activiste Sephani Maddage, voix forte et sincère du comité “Dalla Parte Giusta della Storia”, portera les espoirs de toutes celles et ceux qu’on tient encore à l’écart.
J’y serai. Et j’espère que vous aussi.
Car ce référendum ne concerne pas que “les autres”. Il parle de nous. De la société que nous voulons. D’une Italie qui ne se replie pas, mais qui regarde en face sa propre humanité.