L'Évangile de ce dimanche nous présente Jésus, l'humain trop même humain. Il est présent dans la maison de Béthanie avec une simplicité extraordinaire. Cet extrait de l'Évangile de Luc, qui suit celui du Bon Samaritain du dimanche dernier, renferme toutefois quelques points énigmatiques.
Dans cette maison, Jésus y entre seul, alors qu'il est toujours avec ses disciples. Rien n'arrête la liberté du Fils de Dieu. En plus, Luc nous parle seulement de deux sœurs, Marthe et Marie. Étaient-elles orphelines ? En outre, l'Évangile ne fait aucune allusion à leur frère Lazare.
Pourquoi la générosité de Marthe est-elle gâchée par son irritation contre sa sœur et contre l'invité d'honneur ? L'Évangile nous invite à imiter la simplicité, l'humilité et la disponibilité de Jésus, à opérer l'harmonie entre la contemplation et l'action.
1. JÉSUS SE LAISSE INVITER DANS NOS MAISONS
Le Dieu de Jésus-Christ se révèle avec et à travers les paroles et les gestes qui touchent et libèrent notre cœur. Saint Paul dit aux Colossiens : « Le Christ est parmi vous, lui, l'espérance de la gloire ! »
Dans son discours sur la méthode de la mission, Jésus dit à ses disciples : « Dans toute maison où vous entrerez, dites d'abord : Paix à cette maison. Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l'on vous sert ; car l'ouvrier mérite son salaire. » En Jésus, sa Parole est vie et sa vie est Parole vivante.
Jésus accepte spontanément l'invitation d'une femme du nom de Marthe, sans aucun préjugé. Ce qui est étonnant et digne d'admiration, c’est que Jésus n'est pas pressé. Cette simplicité est une leçon pour notre monde où nous sommes devenus esclaves du temps et d’un agenda toujours chargé.
Dans cette maison, Jésus parle, Marie écoute et Marthe fait la cuisine. Cependant, l’initiatrice de l’hospitalité est agitée. Pourquoi cette irritation contre sa sœur ?
Sur le plan psychologique, elle pensait être à la hauteur de la situation, mais se rend compte que sa réputation risque d'être compromise. Son échec est imminent, puisqu'elle constate qu'il manque toujours quelque chose pour donner satisfaction à son hôte important. Elle court ici et là, sans rien trouver. Le couvert n'est peut-être pas lavé, tout semble désordonné.
Elle pleure quand Marie exulte de joie en écoutant le Seigneur. Cette situation d'épuisement psychique crée en elle l'angoisse, qui engendre à son tour l'agressivité verbale contre sa sœur et contre Jésus. Elle n'a pas compris que c'est Jésus qui est pour elle le « vivre et le couvert ». Souvent, sous le désir de perfection en vue d'être estimés, nous nous comportons comme Marthe.
2. DEUX CARACTÈRES OPPOSÉS AU SERVICE DU SEIGNEUR
Les deux sœurs aiment Jésus d’un cœur sans partage, d’un amour tendre, mais ont des caractères opposés. Selon la caractérologie de René Le Senne, Marthe serait classée parmi les « nerveux ».
Dans son emportement, elle ne sait pas encore que c’est Jésus qui leur apporte ce qu’elles ne peuvent pas avoir : la Parole de vie, la Vérité qui libère et la Paix que le monde ne peut pas donner.
Qu'en est-il de Marie ? Peut-on l’accuser d’oisiveté, selon sa sœur Marthe ? La plupart des gens confondent la discrétion, la culture de l’intériorité, avec de l’inaction.
Marie est une femme contemplative, réservée. Elle est aux pieds de Jésus. Tout son être : son cœur, son âme et sa pensée sont suspendus au visage de Jésus. Son écoute profonde, silencieuse, lui permet d’intuitionner qu’il y a en cet homme quelque chose qui dépasse son apparence.
Pour elle, Jésus est son tout, la raison de son espérance, sa seule part d’héritage. La cuisine, pour elle, est une chose importante, mais secondaire. En écoutant Jésus, elle comprend que « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4,4).
C’est la contemplation qui donne le sens à l’action et permet de maîtriser l’instinct d’animalité présent dans notre humanité.
3. DU MAXIMUM UTILE À L'UNIQUE NÉCESSAIRE
La réaction de Jésus n’est pas « aut, aut » (ou, ou), mais inclusive (avec, avec), intégrale (et, et). Il réconcilie Marthe avec sa sœur, en appréciant d’une part son service, mais aussi en corrigeant ses exagérations.
Jésus remarque que Marthe privilégie le maximum utile, en mettant au second plan l’Unique Nécessaire, Dieu présent dans sa maison, qui possède les paroles de la vie éternelle.
La vie authentique unit les deux dons, sans confusion ni mélange. Jésus aime tout le monde d’un amour personnalisé. Il interpelle avec amour Marthe en l’appelant par son nom deux fois :
« Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. »
Quelle est cette meilleure part ? Saint Augustin répond :
« Marie qui s’assoit aux pieds du Seigneur (Maria sedens ad pedes Domini), en écoutant sa parole (intenta in verbum eius), est libre de toute activité pour contempler la vérité selon la mesure dont cette vie qui passe est capable. Cette tranquillité préfigure déjà celle de la vie éternelle. »
C’est la raison pour laquelle Jésus répond à Marthe qui se lamente contre sa sœur :
« Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. »
Saint Augustin nous donne une interprétation allégorique de ces deux sœurs. Selon lui, Marthe et Marie symbolisent l’Église, respectivement :
dans la vie terrestre, caractérisée par l’action,
et dans la vie éternelle, où la seule activité qui reste est la contemplation.
Marthe indique quelque chose qui passe — les œuvres de miséricorde — qui ne seront plus nécessaires dans l’éternité, tandis que Marie préfigure l’Église qui, à la fin des temps, pourra s’asseoir aux pieds du Seigneur pour contempler sans interruption la sainte Trinité.
4. PRIÈRE POUR LE DON DE L'HOSPITALITÉ
Ouvre nos yeux, Seigneur, pour te reconnaître à travers le visage du voyageur fatigué, et suscite en nous l’élan du cœur pour t’accueillir tel que nous sommes.
Accorde-nous le don de l’attention qui a caractérisé notre père dans la foi Abraham, afin que nous te servions sans même te connaître.
Guéris-nous de nos anxiétés, afin de te servir à travers l’accueil dans la joie du cœur de toute personne qui frappe à la porte de nos maisons, et que notre charité soit inventive.
Enseigne-nous à écouter constamment ta Parole, comme Marie, pour qu’elle guide nos pas sur le chemin de la vie vers l’éternité. Amen.
Bon dimanche, frères et sœurs.
Paix et joie dans nos cœurs et dans le monde.
Ton frère, Abbé Ferdinand Nindorera