La mission tient à cœur à Jésus. Il se rend compte de l'urgence et de la nécessité de la mission, et envoie 72 autres disciples dans les villes et les villages. L’évangéliste précise que Jésus les envoie deux par deux. Pourquoi ce chiffre deux ? Pourquoi et comment évangéliser ? Quel est le contenu de l’évangélisation ? Qui sont les destinataires de la mission évangélisatrice ?
Les lectures de ce dimanche nous aideront à répondre à ces interrogations, non pas pour accroître nécessairement la connaissance en missiologie, mais surtout pour nous impliquer dans ce dessein du Christ pour l’humanité. Le Dieu de Jésus Christ veut notre salut. L’urgence de la mission, c’est que le Règne de Dieu est proche.
1. Les raisons de la mission
Dans l’Évangile de saint Jean, la raison de porter la Bonne Nouvelle au monde entier est enracinée dans le cœur de Dieu. Jésus dit :
« Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20,21).
La mission tire ses origines dans la Trinité Sainte.
Le Père, que nul n’a jamais vu (Jn 1,18), « le seul qui habite une lumière inaccessible » (1 Tm 6,16), s’est rendu visible par son Fils. Il est « l’Image du Dieu invisible, Premier-Né de toute créature » (Col 1,15). Le Christ est donc le Sacrement Suprême du Père. Après son ascension, le Père et le Fils envoient l’Esprit Saint, qui est l’intériorité vivante de Dieu, pour continuer l’œuvre du Fils jusqu’aux extrémités de la terre (Mt 28,20).
Dans le discours de la mission qui suit celui de la montagne en Matthieu, Jésus envoie ses disciples dans un cercle restreint des Juifs. Il leur interdit d’aller chez les païens et les Samaritains. Mais dans l’Évangile de ce dimanche, Jésus est pris de compassion, car le peuple se comportait comme des brebis sans berger. Cette compassion fait écho à la prophétie d’Ézéchiel, où les pasteurs se paissaient eux-mêmes, en régissant les brebis avec violence et dureté (Ez 34,1-6).
Le cœur de Jésus souffre pour nos souffrances. Il se rend compte que le premier groupe des Douze est insuffisant, compte tenu de la vastité du champ de la mission, si bien qu’il choisit les autres soixante-douze disciples pour les envoyer dans toute ville et tout endroit où lui-même devait aller.
Dans le quatrième Évangile, Jésus entre en extase devant une foule immense de Samaritains qui le cherchent, et dit à ses disciples :
« Levez les yeux et regardez les champs, ils sont blancs pour la moisson » (Jn 4,35).
Les disciples sont les précurseurs du Christ. Mais comment doivent-ils se comporter devant le refus et la persécution des loups déguisés en agneaux ?
2. L'amitié dans la mission
Jésus donne quatre indications pour que la mission produise de bons fruits :
1. L’amitié, 2. La prière, 3. La pauvreté, 4. La paix.
L’amitié : Jésus les envoie deux à deux.
Un adage latin exprime la difficulté de vivre à deux sans l’amour du Christ :
« Raro unus, nunquam duo, semper tres » (rare une vie solitaire, jamais deux, toujours trois).
Les disciples doivent avant tout témoigner que ce qui est impossible aux hommes est possible grâce à Dieu. Ils doivent dépasser l’instinct de violence, de haine, de jalousie et d’égoïsme, pour accueillir un confrère comme un autre-soi-même.
En vivant dans la fraternité et l’amitié véritable, la parole annoncée à deux devient crédible. Les deux se complètent dans un langage différent, dans une symphonie de vérité où l’opposition et la contradiction sont exclues.
Ainsi, les païens s’étonnaient :
« Regardez comme ils s’aiment, alors qu’ils ne sont pas frères ! »
Tandis que les disciples du Christ se scandalisaient de la haine entre les gens d’une même famille, en disant :
« Regardez comme ils se haïssent, alors que ce sont des frères ! »
La prière : deuxième condition essentielle.
Elle doit être le point de départ et d’arrivée dans la vie de tout disciple du Christ.
Jésus appelle les disciples à rester d’abord avec lui, avant d’être ensuite envoyés pour annoncer que le Règne de Dieu est proche.
Sans la prière, la mission risque de se transformer en une profession réservée aux spécialistes.
Rester avec Jésus signifie être à son école et à son écoute, pour agir par lui, avec et pour lui.
La condition est de vivre dans l’assimilation de sa Parole et de son Pain.
Assimiler Dieu, dans la vision de Platon, signifie lui ressembler. Le vrai bonheur pour l’homme est de ressembler à Dieu.
La contemplation et l’adoration donnent au disciple le courage d’annoncer la vérité sans peur, de dénoncer ce qui s’y oppose, et de renoncer à ses propres avantages et sécurités humaines.
La pauvreté libre : autre clé du témoignage évangélique.
Accepter de vivre au jour le jour, les mains et les poches vides, c’est aussi témoigner de la Providence. Dieu suscite des personnes qui deviennent instruments de son amour, en offrant hospitalité aux témoins de l’Évangile.
La paix : enfin, le disciple du Christ doit transmettre la paix, ce don de Dieu pour les familles bien disposées à la recevoir.
Jésus dit :
« S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous ».
Le disciple apporte la paix de Dieu dans sa mission. Par conséquent, il ne doit pas se préoccuper des besoins matériels, car
« l’ouvrier mérite son salaire ».
3. Les fruits de la mission
Le contenu de la mission consiste à apporter au monde le flambeau de l’espérance.
Les signes de cette espérance salvatrice sont les guérisons des diverses maladies que la médecine humaine ne peut soigner.
Ces guérisons manifestent que l’homme n’est pas abandonné à lui-même dans la vallée de la tristesse, mais qu’il expérimente la proximité de Dieu dans toutes les circonstances de notre histoire.
La première lecture annonce la joie du retour des exilés à la terre de promesse.
Les verbes se réjouir, exulter d’allégresse, consoler dominent dans cet extrait du troisième livre d’Isaïe.
Ils sont conjugués à l’impératif présent, et les autres verbes d’action sont au futur.
L’espérance est donc vécue déjà dans le présent, car :
« Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? »
La liberté des enfants de Dieu repose sur la promesse divine :
« Il dirige la paix comme un fleuve. Oui, dans Jérusalem, vous serez consolés. Vous verrez, votre cœur sera dans l’allégresse. »
Comment cette promesse se réalisera-t-elle ?
Saint Paul y répond avec force :
« La croix de Jésus Christ notre Seigneur reste ma seule fierté. »
4. Prière pour la mission
Seigneur Jésus, Fils du Dieu Vivant,
Tu mets ta confiance en nous malgré nos faiblesses,
et tu nous envoies dans le monde.
Fais de nous des témoins de ta Parole
à travers les signes de l’amitié,
l’amour de la prière,
et la liberté devant les richesses de ce monde.
Aide-nous à assimiler ta Parole
pour devenir Parole vivante
dans ton Église et dans le monde entier.
Que ton règne d’amour vienne,
que ta volonté soit faite, ô notre Père. Amen.
Bon dimanche, frères et sœurs.
Paix et joie dans le monde et dans nos cœurs.
Ton frère,
Abbé Ferdinand Nindorera