J'aimerais commencer cette méditation par cette belle parole de Joseph Ratzinger devenu Pape Benoit XVI.
Il écrit:"Seul de Dieu vient la vraie révolution, le changement décisif pour le monde". L'Évangile de ce dimanche nous montre que Jésus est venu réaliser cette révolution pour l'homme et pour le monde, car il est la Parole éternelle du Père qui nous enseigne la pureté du coeur contre l'impureté, contre l'étroitesse d'esprit, contre tout ce qui aliène l'homme dans tous les sens. Mais en quoi consiste la révolution opérée par Jésus? S'agit-il de la révolution qui commence par la révolte pour finir dans le bain de sang? La croix est le cas sérieux de cette révolution de l'amour jusqu'au bout. Il opère le passage de la religion qui soigne la forme à la foi totale.
1. DU RITUALISME À LA RELIGION DU COEUR.
L'Évangile nous présente une circonstance de repas étrange, marqué par des critiques des personnes gonflées d'orgueil, d'autosuffisance et d'autosatisfaction. Il s'agit des scribes et pharisiens que Jésus qualifie d'hypocrites, qui accusent les disciples de Jésus de violer la loi des anciens. En effet, les disciples de Jésus osent manger sans se laver les mains, un geste qui irrite les juifs attachés à la tradition. Apparemment, ces juifs ont raison car manger sans se laver les mains est contre l'hygiène. Le problème n'est pas cependant à situer dans la violation de la loi de la propreté, mais dans la religion rituelle, ce que Henri Bergson appelle "la religion statique qui engendre la morale fermée". L'évangéliste précise: "Les pharisiens se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, par attachement à la tradition des anciens".
Pendant le temps du covid 19, nous avons pris conscience de l'importance de nous laver les mains soigneusement plus que les ablutions que faisaient les pharisiens au retour des places publiques. Aujourd'hui, avec le virus appelé "variole du singe Mpox", on n'échange plus le geste de paix dans nos assemblées, pour éviter la contamination. Certains se munient partout où ils vont, de désinfectants pour se protéger contre cette nouvelle pandémie. Jésus n'est pas contre l'hygiène corporelle. Toutefois il nous interroge:"Est-ce que le soin que vous réservez au corps mortel est-il proportionnel au soin du coeur pour éradiquer le virus de la haine, de l'égoisme, de l'incrédulité? N'aurait-il pas de connexion entre nos virus multiformes avec le coeur replié sur lui-même (cor curvum in se), lié à notre nature corrompue (natura corrupta)?
Jésus nous recommande la conversion du coeur, la sanctification intérieure qui orienterait la "sanification" extérieure. Il dit:"Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous".
La première lecture montre le rapport indissoluble entre l'obéissance aux décrets du Seigneur et le bonheur futur en ces paroles: "Maintenant Israël, écoute les décrets et les ordonnances que je vous enseigne pour que vous les mettez en pratique. Ainsi vous vivrez, vous entrerez, pour prendre en possession, dans le pays que vous donne le Seigneur, Dieu de vos Père". Jésus est cette Parole de Dieu qui est le sens, le chemin qui conduit à la vie pleine. Il n'est pas venu abolir les lois et les prescriptions anciennes, il est venu accomplir. Voilà le contexte dans lequel il opère la révolution dans la vision du monde et dans la pratique de la vraie religion. Jésus combat ou encourage l'action humaine à partir de sa motivation intentionnelle. Il ne juge pas selon les apparences, car il scrute nos coeurs. Il connaît nos intentions cachées lui qui est plus intime de notre intimité et plus haut de nos hauteurs "intimior intimo meo et superior summo meo"(saint Agustin, Les Confessions, III,6,11).
Comme les vices et les vertus sont les deux faces de la même médaille, la pureté et l'impureté cohabitent dans le coeur humain. Il est facile de passer de la pureté à l'impureté selon la loi de la gravité des corps, en tant que l'impureté séduit par son plaisir. Il est difficile, mais possible avec la loi de la grâce de passer de la boue de l'impureté à la pureté du coeur. Il s'agit de la fatigue de la montée vers le sommet de la montagne du Seigneur. Mais qui pourra gravir la montagne du Seigneur? Seul l'homme au coeur pur, aux mains innocentes qui ne livre pas son âme aux idoles. Il obtient de Dieu la bénédiction".
2. LA PAROLE ET LA PRATIQUE
L'impureté spirituelle est plus grave que la saleté corporelle qu'il faut certes combattre pour lutter contre certaines maladies de la peau. La première previent de la fermeture contre la lumière divine, le refus d'être engendré par la Parole de vérité qui fait de nous des prémices de toute créature selon l'épitre de saint Jacques. Quelles sont les vices de l'impureté intérieur? Jésus nous en fait une liste qui sont contraires aux dons de l'Esprit Saint. Il dit à ses disciples, à l'écart de la foule:" C'est du dedans, du coeur de l'homme, que sortent les pensées perverses: inconduite, vol, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure". L'anthropologie inaugurée par Jésus dans cette distinction du pur et de l'impur a pour centralité le coeur. Le coeur est le centre de la pensée, de la volonté, de la décision. Il est la mesure de tout, la mesure du temps et de l'espace. Dans cette perspective, l'être de l'homme n'est plus à réduire à ce qu'il mange(Ludwig Feuerbach), à ce qu'il pense (Descartes), car comme le dit Blaise Blaise Pascal, "le coeur a ses raisons que la raison ne connaît pas".
3. HEUREUX LES COEURS PURS CAR ILS VERRONT DIEU.
Jésus dans l'Évangile de Marc nous fait comprendre dans sa vision révolutionnaire de la pratique religieuse, le rapport entre la pureté et la vie éternelle, l'impureté et l'obscurité humaine. Ce qui sauve l'homme n'est pas le soin extérieur des mains, des vases, mais le soin du coeur, la libération des souillures intérieures pour paraître beau et bon devant le Seigneur. La pureté et l'impureté deviennent donc des décisions humaines qui se prennent dans le coeur de l'homme. Être pur ou impur n'est pas un état de vie déterminé de l'extérieur, mais une action libre et responsable de devenir ce qu'on veut. Sur le plan du bonheur humaine, il y a un rapport assymétrique entre la vie de l'homme qui s'efforcent de devenir pur de coeur ou tomber dans l'impureté. Les impies prospèrent quand le juste est persécuté. Cependant, le sort n'est pas le même. L'impur mène une mort vitale dans une vie mortelle. L'ironie du sort est que "au shéol il n'emporte rien". Par contre, le pur verra Dieu, selon la promesse des béatitudes (Mt5,8). Ce qui rend l'homme pur est la foi vécue dans la charité.
4. PRIÈRE
Donne-nous Seigneur un coeur pur.
Guéris-nous de nos hypocrisies pour t'adorer en esprit et en vérité. Lave nous toute souillure qui entâchent nos coeurs. Donnes-nous un coeur nouveau, mets en nous Seigneur un esprit nouveau et sans fin nous chanterons la splendeur de ton amour, amen.
Bon dimanche frères et soeurs.
Paix et joie dans nos coeurs et dans le monde.
Ton frère Abbé Ferdinand Nindorera