Frères et soeurs, nous arrivons au terme de cette année liturgique A, avec la célébration du Christ, le Roi de l'univers. Qui est-il, ce Roi de gloire? s'interroge le psalmiste et répond: "C'est le Seigneur, le fort, le vaillant des combats"(Ps23,8). Jésus est le Roi de gloire, lui qui est Alfa et l'Omega de l'histoire, le Premier-né d'entre les morts. Cette solennité de la régalité du Fils de Dieu, nous montre que l'histoire sainte et prophane a un commencement et une fin. Mais, que dois-je faire dans l'attente du grand jour inconnu du Seigneur? Faut-il fuir? Y'a-t-il un lieu sûr exempte du jugement? Le Ps138 répond: "Où irai-je loin de ton esprit, où fuirai-je loin de ta face? Si j'escalade les cieux, tu es là, qu'au shéol je me couche, te voici". L'attente du jugement ne doit pas être vécue dans l'évasion, mais dans l'espérance en faisant le bien.
1. LE JUGEMENT FINAL EST L'ÉCOLE DE L'ESPÉRANCE.
Tenant compte des maux qui se commettent dans le monde, de la barbarie des guerres, de la violence de tout genre, des inégalités sociales toujours croissantes, des abominations sans nom qui se commettent à l'ère des droits de l'homme, de la liberté, de la globalisation, l'humanité croit vraiment au jugement universel? En quoi change cette fête du Christ Roi dans mon style de vie?
L'histoire est le lieu de la réalisation de la vocation et de l'attente de Dieu qui vient juger le monde avec justice, contrairement à ceux qui jugent avec partialité et injustice.
Devant les iniquités du monde, l'homme a toujours rêvé l'avènement d'un temps messianique, où les injustices, les inégalités des classes, les guerres seraient abolies une fois pour toute. Nicolas de Cues pensait à une île appelée "Nusquam", dans son "Utopia", où la paix parfaite régnerait dans le monde devenu fraternel. Ce rêve ne s'est jamais réalisé. Kant dans la même vision écrit une oeuvre digne de son nom, "Le projet de paix perpetuelle"(1795). Ce projet s'est révélé aussi utopique. Karl Marx à son tour rêvait d'un avènement du "Grand Soir" où il n'y aurait plus de lutte des classes, comme terme de l'histoire. Cela montre qu'il y a dans le sentiment humain une espérance qu'il y aura un jour nouveau où tout sera bien ordonné et conduit à un parfait accomplissement.
Aujourd'hui, le projet de globalisation qui est une autre forme d'utopie cosmopolitique, ne serait-il pas une expression d'un désir d'unité des peuples avec un nouvel ordre mondial pour la paix planétaire où tout serait sous controle d'une minorité puissante? Le livre d'Ecclésiaste répond: "Vanité des vanités, tout est vanité". "Si Dieu ne bâtit la maison, en vain peinent les bâtisseurs; si Dieu ne garde la ville, en vain la garde veille"(Ps126,1). L'espérance de l'homme qui veut vivre comme si Dieu n'existait pas conduit à la destruction de la tour de Babel de notre temps.
Le jugement dernier enraciné dans la foi chrétienne n'est pas une évasion, encore moins à une utopie inventée. Il est lié à la responsabilité de notre vocation. L'homme est à l'image de Dieu (imago Dei). Par conséquent, il est capable de Dieu (capax Dei) et d'agir selon sa volonté, s'il s'ouvre à sa grâce. Cette capacité lui permet de discerner la voix de Dieu qui retentit dans son coeur et dans le monde en l'interpellant à faire le bien envers les démunis. La réalisation de l'image de Dieu se fait dans les méandres de notre histoire, dans le quotidien de la vie.
La grandeur du christianisme est sa façon de concevoir l'histoire.
Alors que dans certaines religions et courants philosophiques la vision de l'histoire est circulaire, dans un mouvement d'éternel retour, l'histoire chrétienne est linéaire, un mouvement ascendant de retour. Dans cette histoire, l'humanité toujours en ébauche et en exode, mache vers le terme, vers la pierre Angulaire, l'Omega de l'alphabet de l'existence historique, le Christ Jésus, l'Agneau immolé. Qui le suit aura la lumière de la vie.
2.ATTENTE DE DIEU DANS L'ACTION.
Le jugement final ne doit pas nous faire peur. "Cherchons d'abord le Royaume et sa justice, le reste nous sera donné par surcroît ". L'histoire de l'humanité en mouvement vers la Patrie céleste est constituée par le tissus de relations, d'amitié et des contradictions. Mais tout dans l'histoire est relatif, tout est mélangé selon la logique d'intégration des opposés. Dans cet enchevêtrement, l'éternité est présente sous forme de signe, de sacrement, de geste d'amour dans cette relativité. Dieu est le grand Roi qui juge le monde avec justice et les peuples avec droiture. "Le salut appartient à notre Dieu, qui siège sur le trône, ainsi qu'à l'Agneau"(Ap7,10). L'histoire est donc le lieu de l'option fondamentale, de l'attente de Dieu dans l'action.
La loi de la justice et de la charité est le critère objectif du jugement dernier. C'est étonnant que les justes ne se souviennent plus du bien qu'ils ont fait et les injustes ignorent le bien qu'ils n'ont pas fait. Le Roi dit:"Tout ce que vous avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait". Le Dieu de Jésus-Christ est présent dans toute personne vulnérable. Jésus s'identifie à elle, car il en a fait l'expérience. Ne pas donner à manger à un affamé est une offense à Dieu lui-même. Cette fête nous interpelle de vivre dans la charité et dans la fraternité sans frontière. Le jugement final est un procès qui conduit à la séparation des justes humbles et des injustes présomptueux et arrogants. Cette séparation est déjà annoncée par Jésus dans ses paraboles sur le bon grain et l'ivraie (Mt13,36-43), le filet qui contient le bon poisson et le mauvais (Mt13,47-50). Alors, qui sont ces justes appélés "les bénis" et ces injustes qui sont les maudits?
3.VENEZ LES BÉNIS DE MON PÈRE.
Qui sont ces bénis du Père? Qu'est ce qu'ils ont fait? Où habitent-ils?
Sur le plan religieux, ces justes appelés les bénis du Père, peuvent être des chrétiens anonymes en dehors des portes de l'Église et les injustes peuvent être des chrétiens qui malgré la participation apparente à la vie de l'Église, sont restés des païens anonymes. Le Christ est sévère envers eux quand il dit:"Écartez-vous de moi, vous qui commettez l'iniquité"(Mt7,23). Ce ne sont pas ceux qui disent: "Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le Royaume des cieux, mais ceux qui font la volonté de mon Père"(Mt7,21).
Avec le jugement universel de Dieu, l'homme est tel qu'il est, seul devant Dieu seul (facie ad faciem). Les honneurs, les privilèges, les idoles d'argent, de palais, de pouvoir, de science ne comptent plus rien. Tout entre dans la lumière de Dieu. Le juste inconnu, le bâtisseur de paix méconnu, le pauvre et l'humble de coeur baffoué est connu, récompensé, tandis que le menteur sur un cheval, l'arrogant au manteau d'or, le criminel applaudi est dévoilé en reçevant ce qu'il a mérité. Nul n'est sensé ignorer la loi de la charité qui détermine notre sort final. "Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père, après avoir anéanti, toute Souveraineté et Puissance"(2ème lecture).
La fête du Christ Roi de l'univers est l'évaluation par excellence de notre manière de vivre le baptême qui nous configure au Christ.
4. PRIÈRE POUR LA CONVERSION.
Seigneur Jésus, Roi de l'univers. Tu gouvernes les peuples avec droiture. Nous prions pour ceux qui nous gouvernent pour qu'ils retournent vers toi afin de ramener au pays les exilés de guerre et panser les blessures de ceux qui ont perdu les leurs.
Brise en nous oh bon Pasteur les barrières éthniques et raciales, afin d'aimer et de servir le prochain d'un coeur simple et joyeux.
Seigneur, notre humanité est plus attentive, sensible aux changements climatiques et effrayée d'une possible catastrophe écologique.
Ton amour est vital, concret, attentif aux besoins des autres. Ouvre nos yeux pour te voir dans l'affamé sans subsistance, dans l'étranger sans assurance, dans le prisonier sans défense, dans le malade sans assistance, Amen.
Bonne fête du Christ Roi de l'univers.
Paix et joie dans nos coeurs et dans le monde.
Ton frère Abbé Ferdinand Nindorera
Paix et joie dans nos coeurs et dans le monde.
Ton frère Abbé Ferdinand Nindorera