Nous sommes en route et non des vagabons sans destination. Selon l'extrait du texte de saint Thomas d'Aquin, le pain eucharistique est le pain des anges, le pain de l'homme en route qu'il ne faut pas jeter aux chiens. Comment alors le Corpus Domini unit la création, perpétue le sacrifice du Christ en tant que mémoriale de sa Passion? Comment fonde-t-il la communauté et l'agir chrétien?
1. L'EUCHARISTIE ET LE SENS DE LA CRÉATION.
Dans la liturgie, le ministre, mieux encore le serviteur de l'Eucharistie comme le fit Melkisédek, offre le pain et le vin en bénissant le Seigneur pour le don de la création. Dans la célébration eucharistique, le prêtre en offrant les espèces du pain et du vin bénit Dieu de l'univers, qui dans sa providence pourvoit le pain et le vin qui sont fruits de la terre et du travail de l'homme. Par la puissance du Saint Esprit, le pain matériel devient le pain de la vie et le vin anticipe le vin du banquet éternel".
Cette prière de l'offertoire unit deux actions à savoir l'action grandiose de Dieu dans la création et la vocation humaine du travail. Dans l'Eucharistie nous rendons grâce à Dieu qui a fait le ciel et la terre. Le travail humain devient une participation à rendre eucharistique la création entière. Dans la célébration eucharistique, l'infiniment grand et petit de la nature, le ciel et la terre sont unis d'une manière admirable.
Selon Antonio Rosmini, le tout et dans la partie et la partie est dans le tout, car, "où se trouve une partie, tout se trouve". Par l'Eucharistie, l'univers entier est soulevé, sanctifié, la matière est vitalisée. Dans le pain et le vin qui deviennent le corps et le sang du Christ, sont présents d'une manière infinitésimale tous les éléments fondamentaux à la vie comme l'eau, le feu, la terre et l'air. Dans le pain eucharistique sont présents aussi la fatigue, la douleur, les goutes de sueurs et de sang, la joie du moissoneur, car "qui sème dans les larmes moissonnent dans la joie". Ainsi, l'Eucharistie rend l'homme qui l'assimile le sarviteur aussi de la nature (sacerdos naturae). Dans cette vision qui n'a rien de panthéiste, l'Eucharistie devient le caractère objectif de l'écologie, qui est un juste ordre des choses de la nature.
2. PRENEZ ET MANGEZ EN TOUS.
Il y a une unité indissoluble entre l'incarnation, la rédemption et l'Eucharistie. Dans l'incarnation, l'Infini s'unit au fini par amour pour nous. Le Verbe qui se fait chair dans l'histoire est limité dans le temps et dans l'espace, mais pose déjà le geste qui anticipe l'eucharistie, qui est une présence réelle universelle.
Dans l'évangile de Luc, les cinq pains et les deux poissons rassasient une foule d'environ cinq mille hommes pleins d'appétit, car rien n'est impossible à Dieu. Il renverse la logique des Douze qui ne voient que l'impossibilité en une logique d'auto-implication dans la réalisation du miracle de la charité.
Il leur dit: "Donnez-leur vous-mêmes à manger". Le premier miracle de la multiplication des pains dans un lieu désertique consiste à iriguer les coeurs arides en un jardin verdoyant où le riche et le pauvre s'assoient ensemble pour partager le peu qu'ils ont. En libérant les coeurs de l'égoisme, le peu que nous mettons à la disposition de la communauté tend à augmenter selon le miracle de la charité.
L'autre attitude qui précède le miracle est le respect de la foule. Il les fait asseoir par groupes de cinquante, qui est une indication pastorale à suivre. Jésus ne réduit pas seulement la foule au besoin de l'estomac. Il leur fait reposer dans un vert pâturage et réalise ainsi les paroles du Psaume23:" Tu es mon berger oh Seigneur, rien ne saurait manquer où tu me conduis".
La troisième étape est l'action de Jésus. Il prend la quantité misérable du pain et du poisson, lève les yeux vers le ciel, prononce la bénédiction, les rompt et les donne à ses disciples pour qu'ils les distribuent à la foule, ce qui nous rappelle le rite de la communion dans la sainte messe. Le soir avant sa livraison, institut l'Eucharistie qui devient le mémorial de sa passion (Passionis Domini). Jésus s'offre entièrement à tous, mais revient à chacun de l'accueillir avec un coeur aimant ou le refuser en assumant la responsabilité de sa liberté. Il dit:" Prenez et mangez en tous, ceci est mon corps livré pour vous". Nous sommes appelés à devenir ce que nous recevons, le corps du Christ.
3. UN SEUL CORPS ET UN SEUL ESPRIT DANS LE CHRIST.
Devenir ce que nous recevons, assimiler le corps du Christ, devenir semblable à lui, signifie vivre en communion les uns avec les autres, former un seul corps, un seul coeur dans le Christ. Ainsi, nous comprenons combien l'Eucharistie fait l'église et l'église fait l'Eucharistie.
L'unité dans l'église n'est pas le fruit de l'idéologie communiste, mais puise ses racines dans l'Eucharistie qui est "la pierre angulaire"( Lapis Angularis) qui fortifie tout l'édifice d'en haut. En mangeant le même pain, l'amour de Dieu nous unit à tous nos frères et soeurs, à l'humanité toute entière. Le repas eucharistique fait des participants des compagnons (partager le pain), des convives (vivre ensemble) et des commensaux (partager la table). L'Eucharistie constitue donc le fondement de la fraternité et de l'amitié universelle.
4. PRIÈRE DE BENOIT XVI.
Accorde oh Seigneur à ton Église que tu as nourri à la table eucharistique, de persévérer dans la fraction du pain et dans la doctrine des apôtres, pour former, par le lien de la charité, un seul coeur et une seule âme. Par le Christ notre Seigneur, amen.
Bon dimanche du Corpus Domini.
Paix et joie dans le Seigneur.Ton frère Abbé Ferdinand Nindorera.