Les lectures de ce dimanche convergent toutes sur le double mouvement: la sortie de l'homme vers Dieu et la venue de Dieu vers l'homme. Le prophète Élie doit sortir de sa caverne pour rencontrer le Seigneur. Jésus sort pour prier et vient en marchant sur la mer troublée. Pierre marche un tout petit peu sur la mer vers Jésus, mais le doute et la peur ne lui permettent pas d'avancer. Saint Paul souffre de l'incrédulité du peuple d'alliance qui refuse de suivre le Messie. En quoi la parole du jour nous interpelle-t-elle?
1. SORS, TIENS-TOI DEVANT LE SEIGNEUR.
Le prophète Elie, après que Dieu l'ait nourri de la galette et l'ait désaltéré de l'eau dans le désert par son ange (1R19,5-6), doit se diriger vers Horeb, la montagne du rendez-vous.
En y arrivant, le prophète est tenté de se reposer après un long voyage. Dieu lui dit encore:"Sors et tiens-toi sur la montagne du Seigneur, car il va passer".
Comme Elie, nous voulons rester là où tout va bien, nous installer dans l'éphémère. Le Seigneur nous invite à sortir de nos cavernes, de risquer notre vie pour lui. Ce qui nous donne la force pour avancer vers le lieu de la rencontre, ce n'est pas la garantie de nos moyens, mais l'obéissance inconditionnée à l'appel de Dieu.
En sortant de sa nuit, le prophète fait l'expérience mystérieuse de Dieu. Tandis que sur le mont Carmel, Dieu révélait sa puissance devant les prophètes de Baal, le mont Horeb est le lieu de la simplicité de Dieu et l'école de la foi authentique d'Élie.
Le Seigneur n'est ni dans l'ouragan, ni dans le tremblement de terre, encore moins dans le feu, mais dans une murumure d'une brise légère. Cette lecture nous montre que Dieu est totalement Autre, qu'il ne peut pas être déterminé par "nos raisons de géométrie", selon Blaise Pascal. Dieu ne se démontre pas, mais se montre quand, où, et comme il veut. Il est le Dieu de l'épiphanie dans le sens de la surprise. Il se manifeste dans une murumure de brise légère.
Cette simplicité de Dieu trouvera son point culminant dans le mystère de l'incarnation où le Verbe fait chair vient dire à tout homme: Sors de ta suffisance, viens et suis-moi.
2. JÉSUS MARCHE SUR LES ABÎMES DANS LA NUIT DES TEMPS TROUBLÉS.
Dans la nuit de la création, l'abîme couvrait la terre et l'Esprit Saint planait sur les eaux (Gn1,1).
Dans cet Évangile, Jésus rejoint ses disciples dans la nuit en marchant sur les eaux de la mer agitée par de vents contraires. Selon la lecture allégorique de saint Augustin, les eaux de la mer diffèrent de l'eau propre du fleuve. Jésus fut baptisé dans les eaux du Jourdain, mais marche sur les eaux amères de la mer. L'eau de la mer représente donc l'abîme des vices, la puissance du mal qui agite notre coeur.
En marchant sur la mer, ce geste montre que le mal n'a aucun pouvoir sur Jésus. Par conséquence, nous pouvons affirmer avec le chant de carême: "Puisque Dieu nous a aimés jusqu'à nous donner son Fils, ni la mort ni le péché, rien ne saurait nous arracher à l'amour qui vient de lui".
Aujourd'hui notre monde est plus que jamais bouleversé. Le patrimoine spirituel subit une profonde crise. Les valeurs qui maintenaient la cohésion sociale connaissent une forte érosion. Les vagues violentes des idéologies qui attisent le feu de la guerre se déchaînent, les coups d'État se multiplient en Afrique. Les sociétés occidentales sont apeurées devant les signe d'une éventuelle possibilité de l'effondrement.
À cause de la peur, les témoins de l'Évangile de notre temps sont tentés de faire un double langage et un compromis entre l'eau du baptême et l'eau de la mer, la corruption.
C'est dans cette nuit douloureuse où l'homme est en face de la "situation-limite" selon Karl Jaspers, en découvrant qu'il est "une passion inutile" selon Jean Paul Sartre, que Dieu dans son Fils bien aimé, fait irruption, en marchant sur ces forces obscures de la mer.
Jésus, après avoir nourri la foule, gravit la montagne pour être ensemble avec le Père qui l'a envoyé. Ce mouvement de la monté annonce déjà son ascension et l'avenir de son Église qui doit traverser la mer de ce monde agité. Les disciples doivent embarquer sous son ordre dans cette mer. Jésus les rejoint dans cette nuit dramatique. En le voyant, ils sont bouleversés en le prenant comme un fantôme. Mais il les rassure et leur dit:"Confiance! N'ayez pas peur. C'est moi".
3.LA MARCHE, LA CHUTE ET LE RELÈVEMENT DE PIERRE.
Pierre n'est pas convaincu que c'est Jésus qui marche sur les eaux terrifiante. Pour lui, il ne se pose aucun problème sur le miracle de la multiplication des pains pour la foule affamée. Sa foi est encore embryonnaire et enthousiaste. Il ne croit pas encore qu'il peut dominer les puissances de la mer. Il doute, mais son doute n'est pas un péché, mais une voie rationnelle vers la vérité.
La foi pensante n'est pas une introduction, mais un cheminement difficile et lent vers la contemplation de la splendeur de la vérité. Sans cette expérience de Pierre marquée d'abord par l'interrogation, l'enthousiasme de marcher sur les eaux de la mer, la peur qui provoque son effrondement, son cri et l'intervention de la main puissante de Jésus, notre foi reste superficielle et circonstancielle. La foi simple est celle qui se confie au Seigneur dans la joie et dans la souffrance, dans la paix et dans la persécution, comme celle de saint Paul qui pleure pour l'incrédulité de son peuple.
4. PRIÈRE DE CONFIANCE
Accorde-nous Dieu notre Père la grâce de vaincre la tentation d'installation à mi-chemin. Que ton Esprit Saint nous relève pour monter malgré nos fatigues vers ta montagne sainte.
Ta miséricorde Seigneur Jésus rend possible et paisible le parcours d'immense océan obscur de la peur et de la douleur.
Étant homme de peu de foi, fais-nous entendre ta parole qui nous rassure: "Confiance, c'est moi, n'ayez pas peur".
Fais briller sur nous ton visage et nous serons sauvés. Béni sois-tu Seigneur!Amen.
Bon dimanche frères et soeurs
Paix et joie dans nos coeurs et dans le monde.
Ton frère Abbé Ferdinand Nindorera










