Cette fête de la transfiguration du Seigneur qui coincide avec le 18 ème dimanche du temps ordinaire, est objet de notre espérance. La transfiguration nous libère de nos obscurités, des doutes de notre intelligence parcellaire et fragmentaire sur l'amour de Dieu pour nous. La transfiguration, même si elle dépasse nos prises, n'est ni déraison, ni inintelligible. Cet événement innouï manifeste le dessein de Dieu, un amour souverain qui embrasse l'histoire du monde et chacun de nous. Oui, la beauté sauve et sauvera le monde.
1. DE QUELLE BEAUTÉ S'AGIT-IL?
Le visage de Jésus devenu brillant transfiguré devant ses disciples sur la haute montagne est le même qui sera défiguré sur le calvaire à cause de nos péchés. La transfiguration est cette beauté qui sauve et sauvera le monde.
Dans son fameux roman "L'Idiot", Dostoevskij présente deux personnages antithétiques, Muichkin et Rogogin.
Muichkin est un prince, bon, doux, humble, plein de compassion, tandis que Rogogin est violent, arrogant qui maltraite Anastasia Philippovna. Muichkin fait aussi l'idiot, car il se comporte comme un éternel enfant. Cela nous fait penser à la parole de Jésus qui exige à ses disciples de devenir comme des enfants pour avoir part à l'héritage dans le royaume des Cieux (Mt18,4). La beauté qui sauve et qui sauvera le monde, est le Christ lui-même qui se penche sur l'humanité blessée dans le personnage du prince Muichkin qui console Anastassia frappée par Rogogin.
La transfiguration du Seigneur qui annonce sa glorieuse résurrection est cette beauté qui rayonne sur le monde, cette beauté crucifiée sans apparence ni éclat. Seule cette beauté nous sauve et nous sauvera. Jésus sans apparence ni éclat, lui le vrai serviteur souffrant selon Isaie (Is53,2), est pourtant "le plus beau des enfants de l'homme, béni par Dieu pour toujours"(Ps44). Sur le mont Tabor, Jésus rayonne de gloire et les trois témoins peuvent dire:"Et voici les merveilles de Dieu devant nos yeux"(Ps118,23).
Dans la première lecture, Pierre affirme que son évangélisation n'est pas le fruit d'un récit imaiginaire, compliqué, mais une expérience vécue. Il a été le témoin oculaire de ce qu'il a contemplé. Le prologue de saint Jean le dit bien: "Nous avons contemplé sa gloire, la gloire qu'il tient du Père, plein de grâce et de vérité. Dieu, personne ne l'a vu. Le Fils unique qui est dans le sein du Père, c'est lui qui nous l'a fait connaître"(Jn1,16-17).
La transfiguration de Jésus est pour nous un événement qui nous comble de joie et d'espérance. Notre vocation dans le monde nous conduit vers la montagne du Seigneur où nous contemplerons face à face la sublime beauté du Seigneur.
2. L'EXPÉRIENCE DU "TREMENDUM ET FASCINANS" DU TABOR.
La transfiguration du Seigneur suscite d'une part l'émerveillement, l'enthousiasme des disciples et d'autre part, la crainte, le tremblement devant le "Tout-Autre" devenu le "Tout-Proche". L'évangéliste Matthieu racconte: "Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l'écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux". Mais, pourquoi Jésus invite seulement trois disciples et non les douze? La raison est simple. En révélant sa gloire à ces trois disciples Jésus veut la discrétion. Il s'agit d'un secret messianique qui se dévoilera progressivement jusqu'au matin de Pâques. L'autre raison de ce rendez-vous, est la foi nuageuse de Pierre. Il se fatigue à comprendre qui est Jésus qu'il aime de tout son coeur. L'expérience de Césarée de Philippe qui précède la transfiguration est la foi professée par Pierre que Jésus est le Fils de Dieu. Sans tarder, Pierre fait la contestation que ce Messie ne doit pas subir l'humiliation de la passion. Il dit une chose et son contraire.
Le bienheureux Pierre devient le disciple de satan car "ses pensées ne sont pas celles de Dieu, mais des hommes"(Mt16,23). Jésus ne veut pas laisser les témoins de son Église dans le doute et dans les ténèbres de l'erreur. Il manifeste sa gloire devant eux et la parole du Père sort du silence. "Celui-ci est mon Fils bien aimé en qui j'ai mis toute ma joie. Écoutez-le".
3. CONTRE L'INSTINCT DE STABILITÉ
Pierre devant la gloire de Jésus, dit: "Seigneur, il est beau pour nous de rester ici". Contre l'instinct de stabilité, Maurice Blondel, le philosophe français dit: "Il est nécessaire de ne pas s'arrêter". Le disciple du Christ doit renoncer à tout lien limitant la liberté de suivre l'Unique Nécessaire.
Pierre, selon la caractérologie de René Le Senne, serait classé parmi les primaires, impulsifs. Il a un franc- parler même s'il se trompe souvent. En voyant la splendeur de Jésus avec des vêtements resplendissants d'une blancheur sans pareille, Il dit:"Rabbi, il est heureux que nous soyons ici; dressons donc trois tentes: une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie".
L'intention n'est pas mauvaise. Pierre aime le Seigneur d'un coeur sans partage. Il veut construire trois tentes, jusqu'à l'oubli de soi. Pour lui, ce qui importe est que Jésus, Moïse, Elie aient chacun une tente. Mais il oublie que c'est Dieu qui nous construit une tente et veille sur nous. "Si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain (Ps126,1). Dans sa spontanéité, Pierre veut être un bienfaiteur de Dieu. Sans s'en rendre compte, il se présente comme un organisateur du règne de Dieu. L'évangéliste fait cette ironie:"Il ne savait que répondre, car ils étaient saisis de frayeur". C'est dans cette situation de confusion que la voix du Père se fait entendre dans la nuée: "Celui-ci est mon Fils bien aimé, écoutez-le". L'écoute et l'obéissance constituent deux pôles d'une même réalité, celle du don total de soi-même. La voix du Père nous recommande l'écoute de son Fils, en vue d'affronter les défis de la de la descente vers la plaine de la mission. La condition pour rester au sommet de la montagne du Seigneur là où le soleil est sans déclin, est avant tout la descente avec Jésus jusque dans le chaos des enfers. Pierre qui veut rester sur la montagne du Seigneur participera à la mort du Seigneur à travers la crucifixion. Dans notre vie de pèlerin, il est nécessaire de ne pas s'arrêter sur quoi que ce soit. Notre marche prendra fin dans la Jérusalem nouvelle, contemplée par le prophète Daniel dans la vision nocturne.
4. PRIÈRE.
Seigneur, Dieu de l'impossible. Tes chemins qui sont vérité et amour nous déconcertent. Ta beauté nous éblouit. Tu nous demandes ce que tu nous as donné, et nous résistons à t'offrir d'un coeur reconnaissant ce qui t'appartient. Nous nous attribuons comme droit le privilège que tu nous a fait. Libère-nous de l'esprit de grandeur, de calcul, de présomption. Accorde-nous la grâce d'être constamment à l'écoute de ton Fils bien aimé, pour qu'un jour tu nous accueilles sur ta montagne sainte réservée aux doux et humbles de coeur.
Bon Dimanche de la transfiguration frères et soeurs.
Paix et joie dans le Seigneur.
Ton frère Abbé Ferdinand Nindorera









