Le contexte du début de la mission de Jésus est tragique. Jean son précurseur venait d'être arrêté pour être emprisonné et décapité. Le premier discours programme dans l'Évangile de ce dimanche est l'invitation à la conversion, qui est la condition pour être citoyen du règne de Dieu qui est proche. Accueillir ce règne de Dieu qui fait irruption dans notre monde est un acte de libération des ténèbres qui couvrent le monde pour refletter la splendeur de la lumière du Christ.
1. UNE LUMIÈRE A RESPLENDI
La première lecture du livre d'Isaïe appelé le livre de l'Emmanuel, nous l'avons méditée pendant la messe de la veillée de Noël. Le texte dans son rythme lyrique touche profondement le coeur qui vit dans la désolation. Isaïe prophétise:"Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière. Sur les habitants du pays de la mort, une lumière a resplendi". La structure littéraire du texte est dialectique. D'une part, il y a une situation de misère généralisée des deux pays de Zabulon et de Nephtali. Ce qui est étonnant est que cette déchéance est permise par le Seigneur. Comment est-ce que Dieu dans son amour infini, couvre de honte ces deux pays? Platon dans sa sagesse défendait Dieu en disant:"Dans les affaires humaines, Dieu est innocent". Saint Augustin dans sa lettre à Évode, se pose la question sur l'origine du mal. Unde malum? Les manichéens, affirmaient que l'origine du mal vient du principe coéternel avec Dieu.
Pour eux, il y aurait deux divinités, la divinité du bien et celle du mal. Saint Augustin défend que le mal moral, vient du libre arbitre de l'homme, de sa volonté perverse. Les pays de Zabulon et de Nephtali sont donc responsables de leur situation. Augustin disait aussi: "Dieu n'est pas l'auteur du mal, il n'est pas aussi impuissant pour l'éradiquer, mais il le permet pour un grand bien".
Le second moment du texte est la sortie du tunnel de ces peuples grâce à la miséricorde divine. En Dieu le mal n'a pas la dernière parole. Déploiyant la force de son bras, il disperse les superbes, comme nous le rappel le Magnificat. Cette deuxième partie du texte est marquée par les verbes d'action. Dieu a couvert de gloire, il a prodigué la joie, il a fait grandir l'allégresse, il a brisé le joug qui pesait sur leurs épaules.
Cela nous comble d'espérance, car selon saint Paul, "là où le péché a abondé, la grâce a surabondé". Nous sommes sauvés par cette espérance, car selon Joseph Ratzinger, l'Infini s'est fait proche de nous, le tout loin est devenu le tout proche. Par conséquent, les choses de ce monde peut nous donner quelques bribes de joie, seul l'Infini remplit le coeur.
2. LE RÈGNE DE DIEU EST PROCHE
Le contexte du début de la prédication de Jésus est drammatique. Jean Baptiste son précurseur, venait d'être arrêté pour avoir dénoncer l'hypocrisie de Hérode. Jésus vient dans cette situation où les ténèbres de la violence couvraient la terre. Cette parole d'Isaïe s'accomplit en lui:"Sur ceux qui habitaient dans le pays et l'ombre de la mort une lumière s'est levée".
Deux actions programmes sont posées au début de son ministère public à savoir: la prédication et le choix de ses premiers disciples qui deviendront des apôtres. Afin de sortir des ténèbres opâques, la première parole est l'invitation à la conversion. "Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche". Les Cieux dans la vision augustinienne signifient l'océan de l'amour de Dieu qui ambrasse le particulier. Pour entrer s'immerger dans cet océan sans s'y noyer, il faut la conversion qui présupose le souvenir de son passé obscur, la conscience de son état actuel pécamineux et l'inquiétude du lendemain.
Sur ce point, saint Augustin disait:"Je crains Dieu qui passe". En nous recommandant la conversion, Jésus ne nous dit pas de nier notre identité, mais de nous détourner du péché pour retourner à lui avec un coeur sincère. Le règne de Dieu est lui-même présent dans les méandres de notre histoire. Accueillir le règne de Dieu tout proche implique la transformation de tout être et tout l'être.
Les premiers qui ont adhéré à ce royaume sans condition sont Pierre, André, Jacques et Jean. Ils ont laissé leurs filets, les barques et même leur Père pour devenir des pêcheurs d'hommes. Ce règne d'amour, de justice, de vérité, de joie et de paix s'oppose à la cité terrestre d'injustice, de mensonge et de terreur. Que nos gouvernants accueillent ce royaume des cieux pour gouverner les peuples avec droiture et justice, en banissant à tout ce qui opprime l'homme.
3. QUE TOUS SOIENT UN
Jésus est notre paix, notre joie et notre unité. Un des péchés qui offensent le Christ est la division dans son Église et dans la société civile. Saint Paul exhorte les chrétiens de Corinthe à cesser toute forme de discorde, afin d'avoir tous un même langage, de vivre en parfaite harmonie de pensée et d'opinion.
D'où proviennent les rivalités dans la communauté humaine? La racine de tout virus qui gangrène dans le corps des baptisés est l'orgueil qui engendre à son tour la jalousie et l'envie, selon le livre de l'Ecclésiaste (Qo10,14-15). Comme au temps de saint Paul, certains chrétiens confondent le prédicateur au Christ.
Cette erreur de partisannerie se remarque à travers la désertion de certains fidèles quand un prêtre dit "charismatique" reçoit une nomination. L'erreur de la communauté de Corinthe qui met en colère saint Paul est que ses membres n'adhéraient plus à la foi trasmise par la prédication, mais aux prédicateurs. Il y avait un groupe des adeptes de Paul, un autre fidèle à Pierre, un autre à Appolos et un autre au Christ.
À ce propos, saint Paul s'interroge: "Le Christ est-t-il donc divisé? Est-ce Paul qui a été crucifié pour vous? Notre identité chrétienne tire sa source dans le sang et l'eau qui coulent du coeur transpercé du Christ. Saint Augustin écrit:" Après beaucoup de mésaventures causées par le péché, nous avons été rachetés dans le sang du Christ offert pour notre salut. Ainsi, nous devons nous unir à notre Libérateur avec un amour si grand et nous laisser emportés en Lui par une lumière si vive que les objets plus bas ne nous privent pas de la vision du ciel (Libre arbitre, XXV.77).
4. PRIÈRE POUR L'UNITÉ.
Donne-nous Seigneur la grâce de vivre l'unité dans nos diversités. Que chacun de nous soit une pierre vivante qui participe à l'édification de ton corps mystique qu'est l'Église. Que les personnes écrasées par le joug de la violence, les exilés, les déplacés de guerre, les souffrants de faim, trouvent la communauté accueillante, attentive à leur besoins tant matériels que spirituels, car comme le dit ton Apôtre Paul, il y a plus de joie à donner qu'à recevoir, amen.
Bon dimanche frères et soeurs.
Paix et joie dans nos coeurs et dans le monde.
Ton frère Abbé Ferdinand Nindorera.