De fil en aiguille, nous nous approchons de la fin de l'année liturgique qui va se conclure avec la solennité du Christ Roi de l'univers. Ce 32ème dimanche coïncide cette année avec la fête de la dédicace de l'Église du Latran à Rome. Quelq'un peut s'interroger: pourquoi n'étant pas de Rome dois-je célébrer cette fête? La réponse est que nous formons un seul corps et un seul esprit dans le Christ. En Jésus Christ, lui la pierre angulaire qui unit l'ensemble de la construction, les lointains sont devenus proches.
1. LA VISION D'EZECHIEL
Dans un contexte d'éxil où tout espoir est éteint après presque soixante-dix ans dans la terre de déportation en Babylone, le prophète Ézechiel reçoit une vision apocalyptique. Qu'est-ce qu'il contemple? Un sanctuaire, l'autel, une source d'eau vive qui descend de ce temple vers l'orient. Cette eau qui coule vers la vallée du Jourdain se déverse dans la mer morte où elle assanit l'eau amère de la mer. Dans sa descente, elle féconde les arbres pour donner de bons fruits et les feuilles deviennent des médicaments. Que veut nous dire Ezechiel dans cette prophétie? La Pâque du Seigneur accomplit cette prophétie. L'hymne de la veillée composé par Bertrand Laguette, reprend cette prophétie en ces paroles:
"J'ai vu l'eau vive, jaillissant du coeur du Christ, alleuia, tous ceux que lavent cette eau seront sauvés et chanteront alleluia.
J'ai vu la source devenir un fleuve immense, alleluia, les fils de Dieu, rassemblés, chantaient leur joie d'être sauvés, alleluia.
J'ai vu le temple désormais s'ouvrir à tous, alleluia, le Christ revient victorieux montrant la plaie de son côté, alleluia.
Cette source qui purifie est l'eau du baptême qui nous lave de nos souillures et le Temple est le Christ.
2. CE TEMPLE, C'EST SON CORPS
Jésus, après les noces de Cana fait le pèlerinage à Jérusalem avec ses disciples, car "la Pâque juive était proche". Les évangiles synoptiques situent l'épisode de la purification du Temple avant d'affronter la passion. Il n'y va pas comme les autres pour simplement admirer la beauté artistique du Temple. Il entre, il regarde attentivement et se rend compte que la maison destinée à la prière est devenue un lieu pour les affaires humaines. La divinité "Mammona iniquitatis" avait évincé le vrai Dieu qui avait libéré ce peuple de l'esclavage d'Égypte et de Babylone.
Qu'est-ce qu'il voit et entend? Des vendeurs, des acheteurs, des changeurs, des va et vient, des bruits, des boeufs qui mugissent, des cris des colombes, des moutons qui courent, du fumier sur le pâvement. Il est pris de dégoût et d'indignation devant un tel sacrilège. Qu'est-ce qu'il trouverait aujourd'hui dans nos basiliques? Une chose sûre: il n'y trouverait pas de boeufs ou de moutons, car nous sommes devenus sensibles à la propreté extérieure. Il constaterait la présence de tant de pèlerins qui ne prient pas, mais qui prennent des photos, des selfies devant l'autel. Au lieu de changeurs de monnaie, peut-être qu'il constaterait un truc inhabituel appelé bancomat. Il s'étonnerait de la présence de petits chiens tranquilles dans les bras de leurs maîtres au fond de l'église. Est-ce que le religieux d'aujourd'hui est meilleur que les juifs du temps de Jésus? Cet épisode nous interpelle.
Ces actes jugés d'abomination dans le lieu saint révèle que le coeur de ceux qui l'autorisent n'est pas purifié. Jésus veut donc purifier notre temple intérieur corrompu. Le Fils de Dieu n'accepte pas de compromis, car la vérité ne peut pas cohabiter avec le mensonge. C'est pour cette raison que Jésus entre en lutte contre l'hypocrisie, en dévoilant le mal qui se cache dans les plis du masque de la moralité et de la religiosité. En face à ce désordre institué par ceux qui devraient prendre soin de ce lieu sacré de prière, Jésus affronte le risque. Il mène la guerre contre les trafiquants et les chefs religieux se sentent attaqués. Jésus révèle que le nouveau Temple que lui-même va relever en trois jours, sera désormais le sanctuaire de son corps.
3. SOYONS DES PIERRES VIVANTES DE L'ÉGLISE.
L'impératif sur le bien à faire implique le refus de ce qui lui est contraire, le péché. Saint Paul en recommandant de devenir des pierres vivantes de l'Église veut nous mettre en garde contre le danger de glisser vers la possibilité de devenir des pierres mortes. Saint Pierre dans sa première lettre d'emprunte éclésiologique, nous invite à rester unis au Christ en ces mots: "Approchez-vous de lui, la pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie, précieuse auprès de Dieu. Vous-mêmes, comme pierres vivantes prêtez-vous à l'édification d'un édifice spirituel, pour un sacerdoce saint, en vue d'offrir des sacrifices soirituels, agréables à Dieu par Jésus Christ"(1P2,4-5).
Comment devenir des pierres mortes au lieu d'être des pierres vivantes? La pierre est morte quand elle s'écarte de l'édifice. Sur le plan moral, la pierre est dite morte quand l'homme choisit le vice au lieu de la vertu. La vertu est significative dans sa racine étymologique. En grec, la vertu vient de la parole "andreia" qui signifie la force. En latin, vertu vient de la parole "vir", qui signifie virilité, force spirituelle. La couleur verte tire aussi son origine dans ce mot latin "vir". Qui est privé de la vertu est comme un arbre mort, sans vie, par là sans sève et sans verdeur.
Sur le plan de notre vocation à la vie surnaturelle, qui veut dire l'appel à la sainteté, notre vie devient comme une pierre morte ou un arbre mort, si elle exclut les vertus théologales de la foi, de l'espérance et de la charité, si elle s'écarte de la communion avec les frères. Dans cette perspective de perversion, la vie est condamnée à la destruction. Cette lecture nous interpelle à former l'unité autour du Christ, lui qui est en même temps la pierre de fondation(lapis fundamentalis) et la pierre d'angle (lapis angularis), rejetée par les bâtisseurs, sans laquelle toute la construction tombe en ruine.
La pierre est vivante, si elle participe comme une cellule à la vitalisation de l'ensemble de l'organisme qu'est l'Église du Seigneur. Nos charismes sont multiformes. Mais si chacun conserve d'une manière égoïste son don comme un dû, on devient comme une pierre morte. Soyons donc des pierres vivantes qui participent à l'édification du Temple saint dont la pierre angulaire est le Christ.
4. PRIÈRE POUR LE DON DU TÉMOIGNAGE.
Seigneur Jésus Christ, premier-né d'entre les morts, Toi la pierre de fondation et la pierre d'angle, aide-nous à devenir des pierres vivantes dans ton Église.
Aie pitié de nous pécheurs chaque fois que nous nous servons de l'Église au lieu de la servir, comme les vendeurs du Temple.
Rends-nous fidèles à la prière, à la charité afin de devenir chaque jours des pierres vivantes et des témoins courageux de la foi dans notre monde qui tend à relativiser l'Absolu et à absolutiser le relatif comme les marchands dans le Temple.
En Toi nous croyons, nous espérons et nous aimons, Amen!
Bon Dimanche frères et soeurs dans le Christ.
Paix et joie dans nos coeurs et dans le monde.
Ton frère Abbé Ferdinand Nindorera









