Dans l'évangile de ce dimanche Jésus est en marche, en mouvement vers Jérusalem. Sa passion est proche et il ne recule pas. Il ne marche pas d'une manière solitaire : il est entouré par ses disciples qui sont à l'école de l'amour plus fort que la mort. C'est dans cet itinéraire qu'intervient un interlocuteur qui semble interrompre son discours pour lui poser une question qui lui tient à cœur. Cette question gravée dans nos cœurs est la suivante : « Seigneur, n'y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? » Jésus ne répond pas d'une manière privée à celui qui pose cette problématique, il se met à enseigner sous forme de parabole, de langage imagé et de symbole. Aujourd'hui l'image qui est au cœur de son enseignement est la porte étroite comme condition du salut, réservé à tous, mais très exigeant, car il invite le candidat au Royaume à se dégonfler de son orgueil. Cette réponse nous renvoie aux béatitudes des doux et humbles de cœur.
1. L'UNIVERSALITÉ DU SALUT
Quelqu'un s'approche de Jésus et lui dit : « Seigneur, n'y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? » La question de cet inconnu est présente en tout homme. Il nous représente et la problématique a un caractère universel, étant donné que toute personne désire le salut après cette vie mortelle. Ce salut est un don de Dieu qu'il faut accueillir par le service et le sacrifice.
La première lecture du livre d'Isaïe contemple l'action unificatrice et libératrice de Dieu en faveur de son peuple dispersé. Par sa volonté libre, Dieu vient rassembler toutes les nations de toute langue et race dans sa montagne sainte, la Jérusalem nouvelle.
Cette prophétie sera réalisée par Jésus, le Verbe éternel du Père, qui est venu pour que nous ayons la vie en surabondance (Jn 10,10). Il est le bon Pasteur qui donne la vie à ses brebis. Il dit : « Et moi, une fois élevé de terre, j'attirerai tous les hommes à moi » (Jn 12,32). Le salut apporté par Jésus prend ses distances des utopies de ce monde et de la vision philosophique de l'immortalité de l'âme par la métempsycose. Jésus condamne le fanatisme religieux qui réduit le mystère de Dieu au ritualisme extérieur. Il ne suffit pas de pratiquer la religion pour entrer dans le royaume de Dieu. Encore faut-il passer à travers la porte étroite de la sainteté pour y accéder.
Jésus dit à la Samaritaine : « L'heure vient — et c'est maintenant — où les véritables adorateurs adoreront le Père dans l'esprit et la vérité » (Jn 4,23). L'authentique affranchissement de l'homme est avant tout une affaire du cœur : une conversion à la vie de la grâce, en renonçant à la dispersion et à la dissipation. Il s'agit de se mettre à l'écoute de la parole et de s'engager à la mettre en pratique. Cette relation filiale avec Dieu est la vocation de toute personne.
C'est dans ce sens que le salut est universel. Il n'est pas réservé à une classe sociale de privilégiés, mais à toute personne de bonne volonté qui s'efforce de passer par la porte étroite. Le passage par la porte étroite concerne tous et nous renvoie à la vie des béatitudes, c'est-à-dire la vie quotidienne dans la pauvreté, l'humilité, la douceur, la lutte pour la justice avec les armes de la vérité et de la charité.
Jésus nous enseigne dans cette image de la porte étroite ce qu'il vit lui-même. Cet enseignement est lié à son itinéraire vers Jérusalem où il va passer par la porte étroite de la croix par amour pour nous.
2. LA PORTE ÉTROITE DE LA CROIX
L'image de la porte comme passage d'un état à un autre est présente dans les civilisations anciennes. Dans le Livre des morts égyptien, le trépassé devait faire preuve qu'il avait vécu dans la vertu et dans la connaissance des divinités afin de franchir la porte qui donne accès à l'au-delà.
Dans la philosophie platonicienne, le passage du monde des ténèbres dans la caverne de l'ignorance vers le monde des formes ou des idées, en vue de contempler le soleil de la vérité, exigeait la purification. Il faut un effort pour affronter une montée difficile en vue de contempler la beauté souveraine (République, VII). L'effort de l'homme pour opérer ce passage consiste à vivre dans la vertu et la justice (Criton, 48 B). Selon ce sage philosophe : « Qui veut entreprendre de belles choses, il est beau qu'il accepte de souffrir pour n'importe quoi qui le touche » (Phèdre, 274 A-B).
Jésus, le Fils de Dieu, plus qu'Osiris qui était le gardien de la porte du shéol, mieux que Platon le maître incontesté de la sagesse, est lui-même la porte, car personne ne va au Père sans passer par lui. La métaphore de la porte évoque l'idée de passage, de transition et de seuil, présente dans toutes les civilisations, car le salut a un caractère universel.
L'image de la porte revient souvent dans les paraboles de Jésus. Dans l'allégorie du Bon Pasteur, Jésus est lui-même la porte des brebis (Jn 10,7.9). Dans la conclusion de son discours sur la montagne, Jésus reprend l'image de la porte en nous invitant à choisir entre la porte étroite qui mène à la Vie et le chemin spacieux qui conduit à la perdition (Mt 7,13-14).
Aujourd'hui, Jésus se sert de la même image pour inviter ceux qui l'écoutent à vivre dans la fidélité à sa parole de vie. Cette porte qui donne accès à la salle du banquet est sa glorieuse croix.
Le contexte de ce discours de Jésus chez l'évangéliste Luc est son mouvement vers Jérusalem où il va effectivement passer par la porte douloureuse de la croix. Luc écrit : « Il cheminait par villes et villages, enseignant et faisant route vers Jérusalem ». Il n'y va pas pour faire du tourisme, mais pour y être crucifié, pour y recevoir le baptême de sang, pour notre salut.
Le passage à travers la porte étroite exige de nous la vigilance dans le temps présent.
3. ATTENTION POUR LE PRÉSENT
Comment peut-on passer par la porte étroite de la sainteté ? Il nous faut une diététique spirituelle composée de cinq aliments, à savoir : la parole, le pain, la prière, le pardon et la paix.
Ces « 5 P » inséparables purgent notre obésité d'orgueil, guérissent la cécité de l'indifférence, purifient la surdité envers la vérité, augmentent l'appétit de service contre la boulimie de l'accumulation et libèrent l'homme de son anorexie de charité et de chasteté.
Notre religion n'est pas une fuite de ce monde à la recherche d'un ciel construit par l'esprit humain comme le bouddhisme à la recherche du Nirvana. Jésus nous recommande de veiller, de vivre intensément le présent dans l'attente joyeuse de son retour. Les souffrances, les tristesses que nous endurons dans ce temps présent deviennent des leçons de vie pour un avenir plein de joie, selon la seconde lecture de la lettre aux Hébreux.
Ainsi, notre temps présent ne doit pas être vécu dans le divertissement avec le principe du carpe diem, encore moins dans la peur du lendemain, car à chaque jour suffit sa peine, dit le Seigneur. Le chrétien est appelé à vivre dans l'anticipation du bonheur que le Seigneur lui-même promet aux serviteurs fidèles et prudents.
Le salut comme don de Dieu nous rejoint en vivant dans la joie au milieu des contradictions inévitables de notre monde qui passe. Le sens du temps présent — comme le présent du passé (le souvenir), le présent du présent (l'action) et le présent du futur (attente) — s'il est vécu dans la communion avec le Christ et le prochain, réalise déjà le non-encore et notre devoir-être.
Il nous permet aussi de regarder l'avenir avec sérénité. L'attention au temps présent implique donc la nourriture constante du pain de la parole et du pain eucharistique, pour devenir la parole vivante et le pain rompu pour les autres par le processus de l'assimilation.
L'attention au temps présent sans peur et sans angoisse envers l'incertitude de l'avenir est la « sainte inquiétude » que nous devons cultiver chaque jour, selon saint Augustin (Conf. I, XI).
4. PRIÈRE POUR LE DON DE FIDÉLITÉ DANS LES ÉPREUVES
Seigneur Jésus, nous te rendons grâce et nous te bénissons. Sans toi, nous perdons la boussole de la vie en errant hors du chemin. Accorde-nous ton Esprit de force et d'amour pour qu'au milieu des épreuves de ce monde, nous restions inébranlables. Donne-nous la grâce de passer par la porte étroite qui mène à la vie, en renonçant à tout ce qui nous sépare de toi. Donne-nous la liberté du cœur et l'esprit de discernement pour opter de te suivre, afin de nous établir là où se trouvent les vraies joies. Amen.
Bon dimanche, frères et sœurs.
Paix et joie dans nos cœurs et dans le monde.
Ton frère
Abbé Ferdinand Nindorera
Bon dimanche, frères et sœurs.
Paix et joie dans nos cœurs et dans le monde.
Ton frère, Abbé Ferdinand Nindorera





