Jésus vainqueur de la mort apparaît sur nos rives, à l'aube de notre vie. Nous méditons ce chapitre 21 qui a une dimension ecclésiale au moment où l'Église du Seigneur se prépare à élire le successeur du Pape François, qui vient de quitter ce monde pour entrer dans la maison du Père. Jésus se tient toujours à nos côtés pour nous montrer où jeter le filet, car il ne peut pas nous abandonner dans nos épreuves. Là où la communauté affronte les souffrances dans l'unité et charité, Jésus est présent d'une manière surprenante. Il nous nourrit du pain (charité) et du poisson (la foi). Le critère de choix de Pierre n'est pas lié à ses mérites. La condition pour être le bon pasteur est l'amour jusqu'au bout du Pasteur des pasteurs, Jésus-Christ notre Seigneur.
1. JÉSUS SUR NOS RIVES.
Jésus se tient au bord de la mer de Tibériade au lever du jour. Les disciples étaient tristes et fatigués, car la mer s'était montrée sans clémence. Ils avaient peiné toute la nuit sans rien prendre. Ce qui est étonnant et encourageant, les disciples affrontaient l'échec en commun. Il s'agit d'une petite communauté guidée par Pierre qui collabore en vue de dépasser les difficultés.
Souvent, en face des déceptions de la vie, de l'expérience de stérilité de nos efforts, nous nous lamentons, nous nous jetons des torts les uns contre les autres et pensons que Dieu est absent. Pourtant, il est là au coeur de nos vies. L'expérience des disciples qui passent toute la nuit à jeter leurs filets sans rien prendre, exprime notre condition de fragilité. Jésus dit: "Hors de moi, vous ne pouvez rien faire"(Jn15,5).
Jésus est présent dans les rives de notre histoire, sans nous en rendre compte. Le Psaume 29 exprime cette proximité de Dieu dans nos rives existentielles en ces mots:"Quand j'ai crié vers toi, Seigneur, mon Dieu, tu m'as guéri; Seigneur, tu m'as fait remonter de l'abîme et revivre quand je descendais à la fosse (...). Tu as changé mon deuil en une danse, mes habits funèbres en parure de joie". Jésus vient transformer la vie de ses disciples désolés, en une danse de joie. Après avoir ramassé une grande quantité de poissons, tout est désormais changé. Ils passent de la tristesse à l'allégresse. Le disciple que Jésus aime intuitionne que c'est le Seigneur, Pierre va vers le Seigneur par la nage et les autres trainent le filet plein de gros puissons. Il y en avait cent cinquante trois poissons et le filet ne s'était pas déchiré. Nous observons toujours une collaboration, une forme de synodalité dans cet événement. Le nombre de poisson et le filet qui reste intact symbolisent les chrétiens répandus dans le monde entier (153), touchés par le hameçon de la Parole.
2. VENEZ MANGER.
Jésus vient pour nous combler de joie et élargir notre horison d'espérance. L'Évangile met en évidence six étapes de la croissance du disciple dans la foi afin d'adhérer complètement à la vie du Christ ressuscité. La première étape est l'initiative de Pierre à aller pêcher. Pierre est le premier parmi les égaux qui inspire les autres ce qu'il faut faire. Mais cette nuit, ils n'ont rien pris. La seconde étape est la présence de l'inconnu qui interroge. Le disciple voit Jésus au bord du lac, mais ne le reconnaît pas. Ils n'avaient pas encore la foi pour voir et comprendre. La troisième étape est l'obéissance sans condition à la parole impérative de l'inconnu. Dans l'Évangile de Luc, Pierre jette le filet en se lamentant: "Nous avons peiné toute une nuit sans rien prendre, mais sur ta parole, je jeterai le filet"(Lc5,5). Dans l'Évangile du disciple bien aimé, il obéit sans rien dire. La quatrième étape est la reconnaissance de Jésus par le disciple bien aimé et la nage de Pierre vers le Seigneur. La cinquième étape est l'invitation du Seigneur au petit déjeuner. Jésus leur dit: "Venez manger". Cette parole nous rappelle les paroles du livre des Proverbes où la Sagesse a bâti la maison, a dressé sa table et dit:"Venez, mangez de mon pain et buvez du vin que j'ai préparé pour vous"(Pr.9,5). Cette Sagesse est le Christ qui prend soin de nous. La sixième étape est la mission officielle de Pierre de devenir le berger des brebis du Seigneur et l'annonce de son martyr.
3. CHRÉTIEN AVEC VOUS, PASTEUR POUR VOUS.
La nouvelle nomination de Pierre à l'épiscopat, se fait dans un climat détendu, du partage du pain et du poisson grillé, au bord de la mer.
Jésus demande à Pierre: "Simon, fils de Jean, m'aimes-tu vraiment plus que ceux-ci? Jésus pose trois fois la question. Le verbe "aimer" a deux sens dans la langue grecque. Le premier sens est "agapáo" et le second est "philéo". Dans les deux premières questions, Jésus utilise le verbe agapáo qui signifie aimer avec prédilection. "M'aimes-tu plus que ceux-ci" (Agapás me pléon toúton)? En d'autres mots: "Suis-je ta seule part d'héritage"? Pierre comprend l'amour amical (philéo). Il lui répond: "Oui Seigneur! Toi tu le sais: je t'aime". Pour la troisième fois, Jésus comprend les difficultés de Pierre et utilise le verbe aimer dans le sens de l'amitié (philéis me?). Pierre se rend compte qu'il n'est même pas capable d'aimer fidèlement son ami, pour l'avoir renié trois fois, la nuit où il fut livré le Seigneur. Il lui répond d'une manière désespérée: "Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t'aime". Dieu de Jésus-Christ, ne tient pas compte de nos mérites. Il nous choisit par pure bonté. Il dit:"Sois le berger de mes brebis". Saint Augustin dans son ironie écrit: "Il n'y a pas de mauvais évêque, car un mauvais évêque, n'est pas un évêque". Il veut montrer que le pasteur des brebis n'est pas épargné de péchés. "Un évêque peut être un voleur, mais ne te dira jamais sur sa cathèdre: il faut voler comme moi. Il te dira par contre qu'il ne faut pas voler"(Augustin, Discours340/a).
Le berger a la mission de guider les brebis qui ne lui appartiennent pas, en harmonisant la vérité, la justice, la charité et l'humilité. Il ne doit pas abuser de son pouvoir pour se paître soi-même. Au contraire, il doit imiter le Pasteur des pasteurs dont sa seule préoccupation est que tous soient un. Le pasteur selon le coeur de Dieu est le serviteur de l'unité, témoin de la vérité et de la charité. La culture burundaise montre qu'il y a la sensibilité entre le berger et son troupeau par ce proverbe:"Qui aime ses vaches dort comme elles". Nous retrouvons la même sensibilité qui a caractérisé le pontificat du Pape François qui disait que "le bon berger doit sentir l'odeur des brebis". Saint Augustin, dans son anniversaire épiscopal, commente cet Évangile en disant: "Jésus demande à Pierre s'il l'aime trois fois. Il lui demande un témoignage d'amour et lui impose la fatigue. "En aimant, on se fatigue. La même fatigue devient amour". Dans son "Discours 46", il montre la double responsabilité de l'évêque en ces mots:" Avec vous, je suis chrétien, pour vous, je suis évêque". Et il ajoute: "Je dois rendre compte à Dieu mon être chrétien avec vous et mon ministère épiscopal pour vous. Priez pour moi".
4. PRIÈRE POUR NOS PASTEURS.
Seigneur Jésus, tu as choisi Pierre en connaissant ses fragilités. Tu lui demandes seulement de t'aimer avec un coeur sans partage.
Tu connais nos misères. Sans toi, nous jetons nos filets en vain. Donne à nos pasteurs la grâce de te ressembler, en agissant pour rassembler ton peuple dispercer. Que ton Église ne soit pas le lieu de lutte pour le pouvoir et l'avoir, mais le signe de ta présence au milieu de nous. Illumine ceux qui se préparent à entrer au conclave afin de dépasser les instincts égoïstes cachés ens nos coeurs, dans le choix d'un pasteur selon ton coeur. En toi nous croyons, nous espérons et nous aimons, amen.
Bon Dimanche frères et soeurs
Paix et joie dans nos coeurs et dans le monde.
Ton frère Abbé Ferdinand Nindorera.





