La Bibliothèque régionale "Bruno Salvadori" d’Aoste accueillera une conférence singulière intitulée « Proust et la musique », portée par la voix raffinée d’Annick Polin, agrégée de Lettres Classiques et enseignante certifiée en Histoire des Arts. Une intervenante reconnue pour sa capacité à tisser des liens subtils entre les arts, dans ce qu’elle appelle des parcours croisés — où les frontières entre littérature, musique et peinture s’effacent au profit d’une expérience immersive.
L’univers de Marcel Proust est, plus que tout autre peut-être, une symphonie d’évocations, une mosaïque où les sensations deviennent langage. Dans À la Recherche du temps perdu, la musique n’est jamais un simple décor : elle est mémoire, révélation, langage intime du sentiment. Des œuvres réelles — comme les compositions de Wagner, Chopin ou Fauré — y croisent des créations imaginaires, telles que la célèbre sonate de Vinteuil, miroir d’un monde intérieur.
Proust n’était pas musicien, mais son oreille était fine, et son regard sur la musique d’une justesse presque analytique. Il perçoit en elle une forme de temps pur, non linéaire, capable de raviver l’oubli et de transcender le réel. Le rôle de la réminiscence — qu’on retrouve dans la fameuse scène de la madeleine — trouve son écho dans ces instants où une phrase musicale ranime un amour, une douleur, ou une lumière oubliée.
Annick Polin explore ces dimensions avec sensibilité, s’appuyant sur une riche iconographie et des extraits choisis pour mettre en lumière les correspondances que Proust tisse entre les arts. On pense ici à Baudelaire et à ses correspondances symbolistes, mais aussi à la manière dont Kandinsky ou Debussy — contemporains de Proust — cherchaient eux aussi à exprimer l’indicible par des formes fluides et abstraites.
Dans cette conférence, il ne s’agit donc pas seulement d’analyser un texte littéraire, mais d’entrer dans une expérience esthétique, une promenade intérieure. Le roman proustien devient une partition, où chaque mot, chaque silence, chaque image se fait note, rythme ou timbre. C’est un voyage à travers le temps, mais surtout à travers soi.
L’événement s’inscrit dans une dynamique culturelle précieuse pour la Vallée d’Aoste, entre ouverture internationale et valorisation de la pensée critique. Proust et la musique, c’est aussi une manière de rappeler combien les grandes œuvres sont toujours des croisements d’influences et d’émotions, et combien la littérature, loin d’être figée, dialogue encore aujourd’hui avec nos sensibilités les plus profondes.