Hier, nous avons célébré avec joie la raison pour laquelle nous existons : la fête de tous les saints.
Dieu nous a créés pour la sainteté. Jésus nous donne cet impératif catégorique :
« Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. »
Dans ce commandement, la perfection n'est pas le perfectionnisme, mais la sainteté dans notre vécu quotidien. Comme le dit bien Léon Bloy : « Il n'y a qu'une tristesse, c'est de n'être pas des saints. »
La fête de tous les saints est, d'une part, l'invitation à devenir saint par le secours de la grâce sanctifiante et, d'autre part, l'invitation à vivre dans l'espérance qui ne déçoit pas, puisque nous avons des ambassadeurs au Ciel qui intercèdent pour nous. Dieu ne nous commande pas l'impossible.
Aujourd'hui, c'est la commémoration de tous les défunts, qui nous rappelle que le terme définitif de notre vie n'est pas l'obscurité du tombeau, mais la lumière du jour sans déclin : l'éternité bienheureuse.
Le thème central des lectures de ce dimanche est l'espérance, une vertu théologale qui illumine nos pas vers la joie éternelle. Sans l'espérance, la vie perd son sens et sa saveur. Qui est désespéré est envahi dans son cœur par des brouillards épais et obscurs qui bloquent son cheminement vers la liberté intérieure.
L'espérance nous donne la joie, même dans les épreuves. Job nous en donne l'exemple.
1. L'espérance de Job
Sur le plan humain, selon le langage de notre temps, Job est « un raté de la vie ». Il a tout perdu.
Toutefois, il a su jouer le « qui perd-gagne ».
Sa foi en Dieu vivant culmine dans la grande espérance, qui n'est pas un simple espoir que demain sera peut-être mieux qu'aujourd'hui. Il est confiant, convaincu que la mort n'a pas le dernier mot, car son Rédempteur est vivant.
Son espérance transcende le temps et l'espace. Les verbes lever, voir, être sont conjugués au futur : un avenir prometteur. Car, dit-il : « Je verrai, moi, en personne. »
L'espérance de Job lui donne la force d'affronter sa condition mortelle avec assurance et liberté, car son Libérateur se lèvera sur la poussière :
« Et quand bien même on m'arracherait la peau, de ma chair je verrai Dieu. »
Job nous enseigne comment affronter l'inévitable : la mort. Il est conscient que son corps sera poussière, mais que son âme verra Dieu. La mort devient une école de vie pour qui croit et espère.
Les anciens disaient : Memento mori — « Rappelle-toi que tu es mortel. » Cette interpellation nous apprend l’humilité et l’humanité, la liberté face aux vanités du monde qui ne peuvent pas nous sauver.
L’humanité et l’humilité ont pour racine latine humus, qui signifie terre, boue. L’humilité est la conscience d’être poussière que le vent disperse, malgré notre apparence de force.
Qui est conscient qu’il est humus s’abaisse, et celui qui s’abaisse sera élevé, dit le Seigneur.
L’humanité signifie ce qui nous est commun, au-delà des différences.
Ainsi, l’humanité dans la perspective chrétienne, c’est vivre comme des frères et des sœurs dans le Christ. La fraternité sans frontière est évangélique, elle n’a rien d’idéologique.
Par sa mort et sa résurrection, Jésus a détruit le mur de la haine et a édifié le pont de la rencontre et de la réconciliation.
2. Jésus est mort et ressuscité pour chacun de nous
Jésus est lui-même notre espérance qui ne déçoit pas.
Sa mort et sa résurrection constituent la vérité de fond qui nous donne la force d’affronter notre condition mortelle.
Selon saint Paul : « Quotidie morior » — « Je meurs chaque jour » (1 Co 15,31).
Comment supporter cette condition de mortalité qui, selon le philosophe du pessimisme Arthur Schopenhauer, se résume ainsi : « Il suffit de naître pour être vieux. »
Saint Paul répondrait : « Si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est notre foi », vaine est notre vie, condamnée à la putréfaction.
Dans ce contexte, notre espérance se transformerait en un espoir illusoire d’un lendemain qui chante, alors qu’il manifeste déjà des signes de désenchantement.
Jésus dit à Marthe, angoissée par la mort de son frère Lazare :
« Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. » (Jn 11,25-26)
Aux disciples inquiets de l’annonce de son départ imminent, Jésus les rassure : c’est pour leur bien qu’il retourne vers le Père, car il va leur préparer une place (Jn 14).
3. L'espérance illumine notre agir quotidien
Cette espérance, enracinée dans la parole de Jésus qui est vie et vérité, oriente notre action quotidienne en cultivant l’attention dans l’attente.
Nous savons qu’il est venu dans l’histoire, qu’il est présent au milieu de nous, sacramentellement.
Nous savons qu’il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts — mais nous ne savons ni le jour ni l’heure.
Ce savoir et cette ignorance, cette certitude et cette incertitude, au lieu de créer la panique, constituent au contraire ce que Nicolas de Cues appelle la docta ignorantia — « l’ignorance qui enseigne ».
Que nous enseigne-t-elle ?
Elle nous invite à veiller, à demeurer les lampes allumées, à bien faire le bien en faveur de nos frères et sœurs dans le besoin.
Le critère du jugement, c’est le faire du cœur qui éclaire l’œuvre de nos mains.
Jésus dit :
« L’heure vient où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix ; alors, ceux qui ont fait le bien sortiront pour ressusciter et vivre, ceux qui ont fait le mal, pour ressusciter et être jugés. » (Jn 5,29)
L’oraison de ce dimanche, qui coïncide cette année avec la commémoration de tous les fidèles défunts, dit :
« Tandis que grandit notre foi en ton Fils ressuscité d’entre les morts, affermis aussi notre espérance, puisque nous attendons la résurrection de ceux qui t’ont servi. »
Même l’antienne d’ouverture souligne les raisons de notre espérance par ces paroles de saint Paul :
« Jésus est mort et ressuscité ; de même, ceux qui se sont endormis, Dieu, par Jésus, les emmènera avec lui. En effet, de même que tous les hommes meurent en Adam, de même c’est dans le Christ que tous recevront la vie. » (1 Co 15,22)
Cette espérance qui ne déçoit pas devient, dans la vie courante, consolation contre la désolation, joie contre la tristesse, lumière qui luit dans les ténèbres du monde, charité fondée sur la vérité que Dieu est Amour et ne veut perdre personne.
4. Prière pour la sainte mort
Seigneur, si tu retiens nos fautes, qui subsistera ?
Mais près de toi est le pardon.
Donne-nous la grâce d’une sainte mort, après avoir obtenu ton pardon dans le sacrement de réconciliation.
Accorde ton pardon à ceux qui meurent sans trouver l’occasion de confesser leur péché.
Que descende sur nous ta miséricorde, maintenant et à l’heure de notre mort.
Amen.
Bon dimanche de la commémoration de tous les fidèles défunts.
Paix et joie dans nos cœurs et dans le monde.
Ton frère,
Abbé Ferdinand Nindorera