L'Evangile d'aujourd'hui met en scène un père plein de délicatesse et de tendresse envers ses deux Fils. Il tend la main au premier pour qu'il aille travailler dans sa vigne. Dans un premier temps, il refuse et après un examen de conscience, il y va. Le second quant à lui se montre obéissant, mais ne réalise pas la promesse. Quel est l'état de notre vocation? Avons-nous peur de nous engager ou sommes-nous enthousiasmés sans pour autant nous engager à faire la volonté du Père?
1. LA DICHOTHOMIE ENTRE LES DEUX FRÈRES.
Jésus commence la parabole par cette parole:"Un homme avait deux fils". Certains passages de la Bible nous présentent une relation d'opposition, de conflit, un rapport dialectique entre deux fils. Cain et Abel, Ismaël et Isaac, Esau et Jacob, les deux frères qui ne se mettent pas d'accord dans la parabole du fils prodigue. Dans le mythe des deux frères jumeaux fondateurs de Rome, Romulus et Rémus, le premier tue le second pour avoir le titre de gloire de "deus maior"(dieu grand).
Aujourd'hui, il s'agit d'un père qui a deux fils où l'opposition est claire. Quand l'un dit non, l'autre dit oui.
Le dernier consent à l'appel sans aucune objection, mais ne fait rien. Ce fils représente beaucoup de personnes qui soignent le paraître que l'être.
Le premier fils par contre refuse d'aller à la vigne, mais après un examen de conscience, après un profond discernement, il accomplit la volonté du père. Cette catégorie comprend les personnes qui dans le passé menaient une vie dissolue, mais une fois que l'appel du Seigneur les a touchés au plus profond du coeur, elles sont devenues des serviteurs fidèles jusqu'au bout. Nous pouvons citer à titre indicatif deux grands saints à savoir saint Paul et saint Augustin. Saint Paul confesse qu'il a persécuté l'Église du Seigneur et reconnaît la puissance de la grâce de Dieu. La lumière du Christ ressuscité accompagnée par la parole sur le chemin de Damas change définitivement sa vie. Désormais, ce n'est plus lui qui vit, mais c'est le Christ qui vit en lui.
Saint Augustin raconte dans ses confessions, sa dernière lutte spirituelle à Cassiciacum dans la campagne de Milan. Il écrit: "J'étais encore dans l'indécision entre mourir à la mort ou vivre à la vie. Quand le moment de devenir meilleur s'approchait, je craignais qu'il arrive. Mes passions murmuraient en moi:que fais-tu Augustin, tu nous abbandonnes? Tout cela advenait dans mon intimité, une discusion entre moi et moi- même". Un fleuve de larmes coulait dans mes yeux et je criais désespérément: combien de temps reste encore? Combien? Demain et demain? Mais quel demain? Pourquoi pas maintenant? Une voix d'un enfant répétait plusieurs fois comme un refrain: "prends et lis, prends et lis"(tolle et legis! Tolle et legis!).
Je me disais:"Cette voix ne peut être qu'une voix divine qui m'invitait à lire la première page de la parole de Dieu ouverte par hasard. La page qui est tombée sous mes yeux est la lettre de saint Paul aux romains où il est écrit:"Comme il sied en plein jour, conduisons-nous avec dignité: point de ripailles ni d'orgueil, pas de luxure ni de débauche, pas de querelles ni jalousies. Mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ et ne vous souciez pas de la chair pour en satisfaire les convoitises"(Rm13,13-14).
Dans ses "Discours sur les pasteurs", saint Augustin écrivait:"Les défaux des brebis sont largement répandus. Les brebis en bonne santé et prospères sont très peu. Encore sont très rares celles qui sont vigoureuses en se rassasiant de la nourriture de la vérité et en profitant avec intérêt des pasteurs que Dieu leur a donné".(Discours 46,1).
2. LA COHABITATION DE DEUX FRÈRES DANS L'ÉGLISE DU SEIGNEUR.
L'Église est sainte, sans tâche ni ride dans sa nature en tant qu'épouse du Christ, et péchéresse dans ses membres que nous sommes. Saint Ambroise qui a baptisé saint Augustin disait que "L'Église en soi est sans péché, mais elle n'a jamais existé sans pécheurs "(Non in se, sed in nobis vulneratur Ecclesia).
Que pouvons-nous retenir de cette parole de Jésus?
D'abord, Jésus condamne le péché d'hypocrisie, car ce péché mine la communauté, cette vigne du Seigneur où chacun de nous est invité par le bon Père à travailler. Dieu veut que nous collaborions pour notre salut. Se comporter comme le second fils signifie vivre dans la superficialité, avec de belles paroles qui ne correspondent pas avec les actes. Cette situation mensongère nous concerne. Combien de promesses, de résolutions, de programmes dans nos carnets spirituels, mais à y regarder de près, nous nous comportons comme ce second fils? Jésus est dur envers les grands prêtres et les anciens du peuple qui sont fidèles à la lettre la loi ancienne tout en combattant la Loi Nouvelle d'amour incarnée en lui. Pour le Fils de Dieu, "ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur Seigneur qui entreront dans le Règne de Dieu mais ceux qui font la volonté du Père "Mt7,21-23.
La figure du premier fils nous interpelle à entrer en nous-mêmes, à faire notre examen de conscience afin de nous repentir. Cela nous conduit à faire la volonté du Père qui est dans les cieux, et à éviter de juger les personnes vulnérables, les pécheurs publics, car nous ne savons pas quand ils peuvent être touchés par la parole du Seigneur.
Saint Augustin écrit qu'il ne faut pas juger pour ne pas tomber dans l'erreur.
Saint Paul dans la seconde lecture nous invite à l'humilité et que chacun de nous ne soit pas préoccupé de ses propres intérêts, mais de penser aussi à ceux des autres.
3. LES PROSTITUÉES ET LES PUBLICAINS VOUS PRÉCÉDERONT DANS LE ROYAUME DES CIEUX
Jésus conclut par cette parole qui scandalise les saints autoproclamés: les prostituée et les publicains vous précéderont dans le Royaume des Cieux. Cette parole peut sembler ambarassante, décourageante pour un juif fidèle à l'ancienne alliance, ou pour un chrétien assidu aux normes de l'Église, qui ne perd jamais la sainte messe.
Jésus n'est pas en train d'encourager encore moins d'idéaliser la prostitution ou la fraude. Au contraire, il veut que tous soient sauvés en renonçant au péché qui se manifeste sous divers visages.
Jésus est venu en effet, chercher la brebis perdue, le fils prodigue, les personnes méprisées comme la samaritaine au cinq maris(Jn4,) Marie Madeleine, Zachée (Lc19), Lévi. Il le dit clairement que ce sont les malades qui ont besoin du médecin et non les biens portants. Jésus est la miséricorde de Dieu incarnée qui laisse les 99 brebis tranquilles et va à la recherche de la brebis perdue pour l'amener dans le bercail. Efforçons-nous de passer par la porte étroite pour que notre oui corresponde à notre agir. En cas de doute, de la peur de nous risquer pour le Seigneur, invoquons l'Esprit Saint pour qu'Il éclaire notre conscience et nous donne la force de la conversionpour pour aller oeuvrer dans la vigne du Père.
4. PRIÈRE D'UNE ÂME MISÉRABLE.
Seigneur, aie pitié de moi. Je te promets la fidélité, mais j'agis comme le dernier fils.
Sans ta grâce, je ne saurais pas me repentir pour sortir de ma contradiction. Comme le premier fils, "je reconnais que je ne suis pas plein de toi. C'est pour cela que je suis un fardeau pour moi-même. Seigneur aie pitié de moi. Me voici tel que je suis. Je ne te cache rien. Je suis un malade, Toi tu es le médecin, guéris mes blessures. Tu es plein de miséricorde, moi je suis plein de misères. Tutte mon espérance est dans ton immense miséricorde.
Donne ce que tu commandes et commande ce que tu veux", amen! (saint Augustin).
Bon dimanche frères et soeurs,
Paix et joie dans nos coeurs et dans le monde.
Ton frère Abbé Ferdinand Nindorera